Juste l’idée de prendre la route par une journée chaude de juin me donnait envie de partir à la découverte de contrées inconnues et d’y dénicher les plus beaux endroits. Quitter mes Cantons-de-l’Est pour rejoindre le nord me semblait le plan tout indiqué. J’y allais pour rencontrer Hugues Néron, un des trois copropriétaires de la Microbrasserie Shawbridge. Après plus d’une centaine de kilomètres d’asphalte parcourus, je me suis arrêtée à Prévost, situé à une dizaine de minutes de Saint-Sauveur. À mon arrivée, j’ai tout de suite été happée par une joyeuse atmosphère estivale; juste derrière moi, des cyclistes prenaient une pause, assis sur un banc alors que d’autres passaient tranquillement sur la piste cyclable. Ça pique-niquait, ça rigolait, l’esprit était déjà à la fête et je n’étais même pas encore entrée dans la Microbrasserie.
J’ai contourné la bâtisse en découvrant qu’elle était divisée en plusieurs segments; une boutique, une salle de brassage et la salle à manger du restaurant. En attendant Hugues, qui m’avait donné rendez-vous, je me suis laissée guider par mon instinct et ma gourmandise pour explorer la boutique aussi mignonne que son nom : Le P’tit Magasin.
Charcuteries, viandes fraîches, produits fins et mets préparés occupaient frigos et tablettes. Mais ce n’est qu’en m’entretenant avec Christine, la responsable de la boutique, que j’ai découvert, à mon plus grand bonheur, que tout est fait sur place! Des produits maison de tous genres, allant des conserves aux plats de traiteur, en passant par les desserts jusqu’aux charcuteries qui sont toutes faites ici même! Il fallait vite que je rencontre Hugues pour qu’il m’explique tout ça!
C’est à ce moment qu’il est arrivé, avec le plus grand des sourires, paré à me faire visiter son endroit chouchou. Dans la salle à manger, communément appelée La Station, Amy Winehouse entonnait ses plus grands hits dans les enceintes, créant une ambiance à la fois entraînante et décontractée. Au centre trône un grand bar surplombé d’un rail de train miniature. « Au début on devait s’appeler la microbrasserie du P’tit Train du Nord, parce qu’on est situés à deux pas de la gare. C’est par le petit train du Nord que le béton arrivait ici, et puisque Shawbridge s’est développée par le train, je trouvais que c’était une bonne idée de thématiser le restaurant en son honneur », explique Hugues.
Il y a effectivement beaucoup d’histoire dans ce bâtiment puisque c’est nul autre que le grand-père de Hugues qui l’a construit dans les années 50. Pendant une quarantaine d’années, il y a eu une épicerie en ses murs, tenue par son oncle, et ce n’est que depuis quelques années que le bâtiment a repris vie pour devenir la Microbrasserie Shawbridge. « Je cherchais une place pour brasser ma bière. Je n’avais pas pensé à Prévost, mais en retournant chez moi - j’habite à 1 km et je passe toujours par ici - j’ai eu un flash. Il n’y avait plus personne dans la bâtisse alors je me suis dit que c’est ici que je devais faire ma brasserie! Les liens se sont faits dans ma tête; c’est mon grand-père qui l'a construite, ma mère a grandi tout près, tout avait tellement de sens! »
Le clou de la place est sans aucun doute la microbrasserie aussi nommée L’Usine du bon vivant où Thierry Gautrin, maître-brasseur et ingénieur de profession, prépare amoureusement ses concoctions maison avec des ingrédients du terroir et locaux. Ayant lui-même imaginé et conceptualisé sa propre machinerie, Thierry entraîne la relève à brasser des bières de qualité. « Si tu veux travailler avec moi, ça te prend deux choses : passion et excellence. C’est ce qu’on veut communiquer dans nos bières », raconte-t-il. « Moi, c’est ce qui drive ma vie et mon travail. » Pour lui, brasser de la bière constitue un exutoire, une soupape créative pour tripper. J’ai beaucoup aimé discuter avec Thierry, un personnage charismatique, attachant, intelligent et terriblement dévoué à son art. Avec une sélection de bières saisonnières et permanentes, les bières de L’Usine du bon vivant sont toujours imaginées avec une grande attention portée aux détails. Parmi la gamme du moment, je me suis laissée surprendre par des ingrédients intrigants : petits fruits, jasmin, et même rhubarbe!
CHARCUTERIES
Après la visite de La Station et de la microbrasserie, nous sommes descendus au sous-sol pour explorer les salles de séchage de Christophe Brehier, maître-charcutier. Ce dernier nous a rejoints en nous présentant fièrement sa magnifique création; un plateau méticuleusement composé de toutes les charcuteries qu’il prépare sur place. Attention amateurs de viandes fines; beaucoup de temps et d’amour ont été investis dans les produits de Christophe, il faut absolument les déguster avec toute l’attention qu’ils méritent! Christophe est Français d’origine et c’est en Haute-Savoie qu’il pratiquait son métier de charcutier.
Christophe a tout laissé pour venir s’installer au Québec, au plus grand bonheur de Hugues! C’est un heureux hasard qui les a poussés à se rencontrer et depuis, ils travaillent ensemble. Christophe a développé ses charcuteries avec une vision bien particulière : « J’ai pris ce que je savais faire, et c’est à force d’écouter les gens, de travailler à droite et à gauche que j’ai commencé à développer mes produits. Je fais la même chose que je faisais en France, mais avec des produits locaux ». Par exemple, il fabrique un saucisson nommé le Rassembleu, puisqu’il est préparé avec le fromage du même nom, qui est produit tout près. Il fait également un saucisson de porc fumé au bois d’érable, du bison séché, de la coppa, qui est en fait de l’échine de porc séchée avec du laurier, du thym et de la muscade. On pouvait aussi voir sur son plateau du prosciutto maison, du smoked meat et même du foie gras! Une planche de dégustation qui ravirait les carnivores les plus endurcis!
FOUR À PIZZA
En cuisine, le menu charme tout autant! Avec un menu étoffé qui met toujours de l’avant les ingrédients locaux, les charcuteries de Christophe et les conserves maison, difficile de ne pas tomber en amour. J’ai eu un coup de coeur pour l’énorme four à pizza sur feu de bois qui trône en roi dans la cuisine. Je n’avais pas le choix, je devais en essayer une! La croûte maison, faite avec la bière Shawbridge, a glorieusement gonflé pour laisser échapper quelques bulles d’air qui ont caramélisé sur le dessus. Tout était à point et je me suis régalée avec des olives chaudes aux agrumes avec ail, romarin et origan, puis une frite cuite à la perfection en accompagnement.
C’est complètement charmée par ma première visite à Prévost que je suis repartie. Dans mon sac, il y avait mes provisions : des tomates italiennes du jardin de Hugues, des meringues, du beurre de pomme et des petits macarons au citron, à la vanille et au chocolat! Je reviendrai assurément refaire le plein de produits fins au P’tit magasin!